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Behind the merch: 10 questions à Tatiana de Bourguesdon

Rédigé par Caroline | 13 juin 2024 15:05:06

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Avec son visage doux et son allure naturellement chic et sophistiquée, Tatiana de Bourguesdon  me confie dès ses premiers mots être passionnée par la plongée avec les requins depuis l'âge de 14 ans. Comme si elle était faite pour le monde du luxe – n'est-ce pas ? – avec lequel je ne peux m'empêcher de faire le lien : un univers qui incarne l'élégance, l’excellence mais aussi la rigueur et l'exigence.

Forte de son expérience dans le luxe notamment chez l’intransigeant Prada, Tatiana, aujourd'hui consultante indépendante, nous plonge au cœur de ses expériences les plus marquantes. Elle partage des anecdotes sur des projets ambitieux et dévoile ses insights sur les défis contemporains et futurs du retail.

Un aperçu unique de son expertise et de sa vision pour l'avenir du secteur.

 

1. PEUX-TU TE PRÉSENTER ?

 

Je suis Tatiana de Bourguesdon, consultante indépendante et experte en retail et expérience client depuis 5 ans. Auparavant j’ai travaillé pendant 10 ans pour des enseignes majeures de la mode et du luxe.
Sur le plan personnel, je suis maman d’une petite fille de 3 ans et je suis une passionnée de musique, de surf et de requins!

 

2. Une belle et longue expérience chez Prada. Je suis curieuse de connaître ton projet Retail le plus marquant ?

 

Effectivement 8 années très riches et fortes passées dans la filiale France du Groupe Prada à Paris (France = 3ème marché le plus important à mon époque pour le groupe). J’ai évolué au sein du département Retail Merchandising, toujours sur la catégorie Maroquinerie et Accessoires (la plus importante en CA) sur tous les Univers: Prada Femme, Prada Homme et Miu Miu.
L’occasion de participer à beaucoup de beaux projets. Je pense à l'opération ’Take Over’ de Prada aux Galeries Lafayette Haussmann. La préparation s’est échelonnée durant les 12 mois précédents avec des nuits blanches et des week ends studieux les jours précédents. Mais le résultat était là: toutes les vitrines des bâtiments Homme et Femme des Galeries et un pop up aux couleurs de Prada, des produits exclusifs, une communication dédiée et les corners Prada existants restylisés!

 

3. Louis Vuitton crée une recommandation merchandising pour chacune de ses Boutiques, alors que d’autres marques travaillent par Cluster (en fonction de la taille, ou du revenu du magasin).

Chez Prada, comment faisiez-vous vos recommandations merchandising ? Comment vérifiez-vous qu'elles étaient bien implémentées ?

Chaque marque a ses stratégies retail merchandising. Déjà du point de vue des rôles, il y a des marques pour lesquelles c’est du ressort du Store Manger de faire les achats pour sa boutique (comme chez Chanel). Chez Prada, les achats sont effectuées par les équipes siège de Retail Merchandising. La logique de cluster est intéressante quand on gère un nombre important de boutiques. Ce qui était mon cas! Avec de nombreux clusters, j'ai pu adopter une approche très précise. Un cluster regroupe des critères quantitatifs (taille de la boutique, capacité d’exposition, prévisions de ventes) ainsi que des critères qualitatifs (type de clientèle, type de boutique, localisation, etc.). Lorsque je faisais les achats pour une boutique, je devais prendre en compte tous ces critères.

De plus, Prada excelle et est obsédée par le Visual Merchandising, ce qui est une grande force. Lors de l'achat d'une collection de produits, il fallait se projeter dans la boutique : quand sera-t-elle mise en display ? Dans quelle partie de la boutique ? À côté de quelle autre collection ? C'était exigeant mais passionnant !

Ainsi, les boutiques recevaient les produits que j'avais commandés pour elles. Nous suivions sur les logiciels l’arrivée en stock, les ventes et le réassort. Les display des produits était ensuite assurée par l’équipe de Visual Merchandising, assistée des Retail Merchandisers.

 

4. Les marques sont toutes singulières mais les équipes font finalement toujours face aux mêmes défis. Quels sont ceux que tu as identifiés et auxquels tu réponds en tant qu’experte retail ?

En tant que Retail Merchandiser, il faut savoir combiner le triptyque: le bon produit, le bon endroit, le bon moment. Concrètement, c’est savoir 6 mois à l’avance (au moment où sont fait les achats) ce qui marchera dans tes boutiques.
L'autre challenge des Retail Merchandiser pour des boutiques au trafic très touristique (comme c’est le cas pour les boutiques de luxe en France), est d’acheter ce que vont aimer les clients étrangers (chinois à l’époque!) et non ce que tu achèterais pour toi. D’ailleurs, je me rappelle que quand j’étais en buying sessions à Milan, j’allais souvent discuter avec mon homologue chinois pour savoir ce qu’elle avait aimé. 

 

5. Ton projet du moment, ou le dernier en date qui te semble le plus inspirant ?

J’en ai un en cours - extrêmement intéressant dont je ne peux parler pour le moment.
En revanche, j’ai fait une mission assez novatrice, en terme d’univers pour moi l’année dernière.
J’ai accompagné pendant 7 mois le club de football, le Paris Saint-Germain pour qui la culture retail n’était pas très développée, sur la partie boutiques. De plus, les boutiques étaient toutes des franchises. J’ai donc travaillé sur l’harmonisation des magasins, la création et la structuration de process retail pour toutes leurs boutiques dans le monde.

Paris Saint Germain

 

6. Et COMMENT harmonise t-on des boutiques, crée des process retail ?

  • - D’un point de vue visuel, j’ai créé un book de concept boutiques et un book de guidelines merchandising pour donner les directives images. 
    De plus, à chaque fois qu’une nouvelle histoire était mise en display, nous demandions aux boutiques de vérifier leur mise en œuvre ou nous les visitions pour vérifier ce qui avait été fait.


    - D’un point de vue process retail, il a d’abord fallu faire l’audit de tout ce qui existait et de ce qui n’existait pas.
    Ensuite, des templates de reporting ont été créés et communiqués. Nous avons également organisé de nombreuses sessions d'échange en visio ou en personne avec les boutiques pour les informer des nouveaux processus (avec un suivi renforcé) et des nouvelles attentes, ainsi que du nouveau mode de fonctionnement. Cela peut être délicat lorsque l'on collabore avec des boutiques franchisées, car elles n'ont pas les mêmes obligations contractuelles que les boutiques en propre. Il faut donc faire preuve de diplomatie pour leur faire comprendre qu'en suivant les processus, elles auront des boutiques plus belles et performantes.

    La mise en place de nouveaux processus impliquait également des changements internes. Il a fallu insuffler cette culture retail, concevoir de nouveaux éléments à suivre, et établir une feuille de route définissant qui fait quoi et quand.


  • 7. Passionnée de retail, tu es au fait des dernières tendances, quelle est pour toi la plus belle boutique que tu aies visitée et pourquoi ? 

    • Sans hésitation, la Maison Diptyque, rue Duphot à Paris. A mes yeux c’est un sans faute. 
      Les boutiques Diptyque ont toujours été splendides, avec des scénographies de vitrines incroyables renouvelées toutes les six semaines. Chaque boutique est belle et unique, mais j'ai l'impression qu'avec la Maison Duphot, nous avons franchi un cap supérieur. Ce vaste espace est composé de salles, chacune avec son propre univers, offrant une immersion totale dès l'entrée. Tous nos sens sont éveillés, nous plongeant immédiatement dans l’univers proposé. 
  • Diptyque
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  • 8. La meilleure expérience client vécue ? ou celle à laquelle tu aurais aimé penser ?

    • Je suis un peu triste de l'avouer mais ce n’est pas tout récent! Cela remonte à il y a 2 ans maintenant dans la boutique de parfums de niche The Harmonist. J’ai vraiment eu l’impression que la conseillère s’intéressait à moi. Et de fait, on a parlé que de moi (je crois que tout le monde aime bien cela dans le fond). Leur expérience client est d’ailleurs basée sur cela car c’est la personnalité du client qui va définir le parfum le plus adapté pour lui.
 
    • 9. A quoi ressemblera le retail du futur selon toi ? 

      • Plus expérimental. Plus personnalisé. Des boutiques toujours plus belles.
        Je n’ai pas du tout envie d’imaginer des robots remplaçant les humains: ca me déprime! En revanche, une utilisation plus massive de la technologie pour enlever des irritants comme l’attente à la caisse est la bienvenue: dans cette lignée, je vois donc une adoption plus massive des techniques d’encaissement rapides (paniers intelligents, self check out…). Mais cette utilisation de la technologie est à nuancer: le service du retail de luxe ne pourra jamais se passer de l’humain!
        And last but not least, l’IA bien sûr! Cette technologie permettra (et permet déjà) de faire des recommandations pertinentes de looks à des clients, basés sur les ‘persona’ et leurs historiques d’achat.

      • 10. Un conseil pour les jeunes Retail Thinkers ?

        Soyez curieux, ayez les yeux ouverts. Ne pas se limiter ou se segmenter dans les inspirations retails: un univers peut en nourrir un autre!

 

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